L'Alliance Atlantique a approuvé, il y a quelques semaines, un nouveau concept stratégique prenant en compte les nouvelles menaces et établissant des méthodes de défense appropriées. Il était grand temps car depuis onze ans, date de la dernière réorientation, le monde et l’OTAN ont beaucoup évolué, si l’on pense notamment au rapprochement opéré par le Président Obama vers la Russie, après le climat de tension, déclenché tout d’abord par l’intégration des nouveaux membres de l’ex Union Soviétique et ensuite par l’invasion de la Géorgie par la Russie, en 2008.
L’attention se porte désormais en Afghanistan, mais aussi sur les menaces comme l’Iran et ses ambitions nucléaires, le terrorisme et l’éventualité d’une cyber attaque. Pour comprendre cette réorientation, il faut aussi prendre en compte les inévitables restrictions budgétaires de défense des pays membres, subissant toujours les effets de la plus grave crise économique depuis 1929.
L’émergence de nouvelles menaces
Au cœur de ce document se trouve le fameux article 5 du traité Nord Atlantique qui entérine la sécurité collective de l’Alliance et selon lequel « toute attaque contre un membre sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties ». Cependant, celui-ci a été légèrement révisé pour inclure, entre autre, la cyber criminalité. Certains experts déplorent cet ajout qui selon eux, affaiblit désormais l’automaticité de la riposte et dilue le concept de défense et sécurité : en cas de cyber-attaque par exemple, il sera difficile dans l’heure de savoir d’où elle provient et qui en sont les instigateurs.
L’Alliance a voulu aussi se prémunir d’un bouclier contre d’éventuels missiles balistiques. Rappelons que le Président Bush avait mécontenté le Kremlin en signant avec la Pologne en Août 2008, un accord qui prévoyait l’installation de dispositifs anti-missiles sur son sol. Le Président Obama a défendu une approche plus graduée qui commencera par la pose des radars et intercepteurs « Aegis » sur mer, puis ultérieurement l’installation, sur terre, de missiles SM-3. Cette solution, moins coûteuse (300 millions sur dix ans), plus spécifiquement adaptée à la menace iranienne, a apaisé la Russie qui insistait encore récemment sur le fait que toute défense antimissile n’avait que pour seul but de réduire sa capacité de dissuasion nucléaire.
Nouvelle stratégie, nouvelles controverses
Cependant, cette nouvelle stratégie de défense antimissile pose de nouvelles problématiques auxquelles font échos des partis antinucléaires allemands : certains alliés la considèrent comme une alternative à la dissuasion nucléaire et non comme un complément utile.
Ces partis antinucléaires ont âprement négociés leur entrée dans la coalition d’Angela Merkel en échange du départ de toutes les armes nucléaires présentes sur le sol allemand. L’ancien Secrétaire général de l’OTAN, George Robertson, reproche d’ailleurs à l’Allemagne de bénéficier du parapluie nucléaire américain tout en cherchant à échapper à ses responsabilités.
Les problèmes créés par la démarche allemande
Depuis 1990, l’OTAN a réduit de 85 % le nombre d’armes nucléaires tactiques jusqu’alors déployées. De nos jours, seules 200 bombes en Europe sont stockées dans les bases militaires américaines et des membres de l’OTAN, toutes susceptibles d’être acheminées vers l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, l’Italie et la Turquie en cas de conflit. Ces bombes nucléaires mobiles, censées être acheminées par avion, restent pour les membres de l’OTAN situés à proximité de la Russie, le symbole du couplage ombilical des forces nucléaires stratégiques américaines dédiées à la défense du vieux continent. Or de récents exercices militaires russes particulièrement intenses ont alarmé ces pays d’Europe de l’Est et de la Baltique, nouvellement entrés dans l’Alliance.
L’ombre du désengagement américain
Les Etats-Unis préoccupés par de nouveaux enjeux comme la compétition stratégique avec la Chine ou encore le terrorisme global, peuvent, à l’avenir, être tentés de conférer une moindre importance à l’OTAN, jugée moins vital pour sa sécurité que par le passé. Ils encouragent de ce fait de nouvelles coopérations bilatérales au sein de l’Alliance qu’ils n’auraient jamais approuvées auparavant (comme la récente convention militaire Franco-britannique, surtout son volet nucléaire). Ces accords, facilités par la seconde entrée de la France dans le système militaire intégré à l’OTAN en Avril 2008, sont en partie motivés par des impératifs tant de restrictions budgétaires, que de nécessité de construction d’une défense européenne autonome et détachée des Etats-Unis.
L’ambassadeur américain auprès de l’OTAN, Ivo Daalder, cherche à rassurer : il n’y a pas d’antinomie, selon lui, entre le partenariat américain dans l’Alliance et sa recherche de nouveaux partenaires dans le Monde. Ce point de vue est également partagé par Barack Obama, qui, lui-même dans un article du New York Times, en novembre dernier, déclarait son indéfectible soutien à l’Alliance qu’il qualifiait comme « la plus réussie de l’histoire de l’Humanité ».Il est de fait que l’Alliance Atlantique maintient bel et bien la paix en Europe depuis soixante-et-un ans. Et bien que depuis la guerre froide, on annonce régulièrement sa fin proche, elle a toujours su s’adapter aux nouvelles donnes et se réinventer courageusement tous les dix ans, comme à nouveau, dernièrement, au sommet de Lisbonne.
par
Brigitte Ades
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